Les cadeaux des sociétés bientôt taxés

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cadeau-noelSource: Le journal du dimanche

Il aurait pu passer inaperçu : l’article 16 du projet de loi de finances de la Sécurité Sociale met le feu dans les entreprises, qui le découvrent peu à peu. Adoptée par les députés, cette disposition rédigée par le gouvernement sera examinée cette semaine au Sénat. Elle prévoit de soumettre à cotisations sociales les cadeaux, avantages en nature et autres rétributions versées par des sociétés à des salariés d’autres entreprises. La pratique est largement répandue, dans l’automobile, le tourisme ou les cosmétiques. « Quand ils remplissent des objectifs de vente, les conseillers de Darty ou d’Auchan peuvent recevoir une rétribution de Cetelem ou de Sony. Idem pour ceux de Marionnaud avec L’Oréal…« , pointe le député UMP Yves Bur, qui a défendu le texte à l’Assemblée. La taxation toucherait « les cadeaux, chèques-cadeaux ou voyages gratuits« .

Les seuls chèques-cadeaux représenteraient 500 millions d’euros. « Il s’agit de rémunérations qui échappent aux cotisations et alimentent des controverses lors des contrôles de l’Urssaf« , justifie Yves Bur. La Sécurité Sociale a demandé au gouvernement de clarifier la situation juridique des rétributions en nature afin de mieux les contrôler. Les charges seraient limitées à 20% entre 200 euros et 1.340 euros (équivalent du smic). Au-delà, les charges s’appliqueraient comme pour un salaire. Elles seront payées à l’Urssaf par l’entreprise qui donne le cadeau. Cette disposition rapporterait 70 millions d’euros à la Sécu. La semaine dernière, les pilotes d’Air France avaient cru comprendre que la mesure remettait en cause les billets à prix cassés dont profitent les navigants des compagnies aériennes quand ils voyagent avec une autre compagnie. Ils avaient déposé des préavis de grève pour ce week-end. Le gouvernement a levé l’ambiguïté.

Un amendement du sénateur UMP Alain Vasselle écarte ce type de remise. Les pilotes ont donc retiré leur menace. Le gouvernement ne remet pas non plus en cause les avantages particuliers dont bénéficient les salariés de la part de leur propre employeur. Ceux-ci sont, en théorie, déjà soumis à des déclarations à l’Urssaf. « Ils figurent parmi les motifs de redressement les plus fréquents« , souligne-t-on à la Sécu. L’article 16 fait l’objet d’un lobbying de certains industriels et du Medef, soucieux de maintenir des pratiques commerciales rodées. Le député UMP Dominique Tian s’est fait leur avocat. Ces prestations en nature sont « une mesure intégrée aux politiques de rémunérations des entreprises, complémentaires au salaire de base, estime-t-il. Ces salariés vont perdre de 16% à 4 % de leur pouvoir d’achat! »

Au sein du patronat, on critique une « incohérence juridique« . « Si l’article est adopté, le code de la Sécurité sociale établira un lien de subordination entre le commercial et son fournisseur« , souligne-t-on. Jean-François Rial, président de Voyageurs du monde (180 vendeurs) est un des rares patrons favorables à la nouvelle disposition à condition qu’elle ne s’applique pas à la formation: « Il est normal qu’un avantage en nature soit soumis à charges sociales, car c’est une rémunération déguisée. » Dans un souci d’équité, ce chef d’entreprise ajoute avec humour: « Tous devraient être concernés. Il faudrait aussi taxer les caisses de champagne que reçoivent les PDG… Sauf à les partager avec leurs salariés!«